• Un instant, je propose une variation imaginative ... considérer que mon job est un métier comme un autre et réaliser l'absurdité de certaines conversations si elles avaient lieu avec n'importe quel autre corps de métier : imagions une coiffeuse, une dentiste, une boulangère... 

    - Je peux venir demain ?

    - Non je suis pas disponible... 

    - Tu fais quoi ? 

    - Je vois une amie, petit curieux

    - Elle est coiffeuse aussi ? 

    - Non...

    - C'est pas grave, vous pourriez quand même me couper les cheveux ensemble :-).

     

     

    - T'as une soeur ? 

    - Oui... 

    - Elle est aussi jolie que toi ? 

    - On est différentes mais elle est jolie oui.

    - Vous pourriez faire un cabinet de dentiste ensemble :-).

    - Elle n'est pas dentiste et pas intéressée par la dentisterie. 

    - J'aimerais trop que deux soeurs me fassent un détartrage. 

     

     

    - T'as pas une amie qui travaille avec toi ? 

    - J'aime bien travailler seule. 

    - Mais quand même ça serait sympa une boulangerie à plusieurs.

    - Oui sans doute, c'est différent. 

    - Et puis si tu n'es pas disponible ton amie prend le relais.

    - Tu peux juste aller dans une autre boulangerie.

    - Oui mais bon, j'aime bien ton pain. 

    - Super, je te le vends avec plaisir. 

    - Mais aller, t'as pas une amie qui vienne pour une fois ? ça me plairait que vous me vendiez une baguette toutes les deux :-). 

    - Mes amies ne sont pas dans ce domaine. 

    - Oui mais bon pour une fois, juste une baguette...

     

    - J'aimerais travailler avec toi :-)

    - Comment ça ? 

    - Ben faire des détartrages, soigner les caries, avec toi... 

    - Pourquoi ? 

    - Si t'as des patients qui aiment se faire soigner les dents par un dentiste et une dentiste :-)

    - Je pense pas qu'il y ait tant de patients intéressés. Puis bon t'es pas vraiment dentiste.

    - Rhooo ça va, je me brosse bien les dents non ?

    - Si si... bon écoute rien ne t'empêche d'ouvrir un cabinet.

    - Han mais je préfèrerais avec toi... :)

    - Je ne cherche pas d'associé. Et si j'en cherchais un ça ne serait pas un patient. 

    - Ok ok... mais quand même on peut être amis :)

    - Euh oui je sais pas... 

    - Tu pourrais me détartrer "en ami" :)

    - Ben c'est mon travail

    - Oui mais on s'entend bien. 

    - Oui mais je m'entends bien avec les autres patients aussi.

    - Ok, c'est parce que je te vois pas comme une pro en fait...

    - Ben c'est mon job, c'est comme ça que je gagne ma vie.

    - Ah bon ? t'as pas d'autre job à côté ? 

    - Ben non... Et même si c'était le cas ça changerait rien

    - Et tu touches pas le chômage ? 

    - Non, je suis indépendante.

    - Ah mais pourquoi  ? tu pouvais le faire en noir

    - Non, ça va, je préfère comme ça.

    - Ok, dommage, j'aurais pu être un ami+détartrage :-).

                                                                                                                        

     


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  • Si certaines collègues s'anesthésient, je ne ressens pas ce besoin. 

    Il arrive que je m'ennuie. Quelques fois même je voudrais faire autre chose. Mais la plupart du temps j'apprécie le corps à corps, présente alors à mes sensations. 

    Mon rapport au corps est beaucoup plus approfondi qu'il n'a jamais été. Je suis vigilante : mal de gorge, bouton d'acné, irritation vaginale, gencives sensibles... mes sens sont en éveil pour détecter les bugs, et prendre soin au plus vite. 

    Le sexe est bon pour l'immunité. Mais comme les instits risquent davantage d'attraper des poux, la grippe ou la gastro en cas d'épidémie, je suis confrontée au quotidien à des corps qui ont leurs petits tracas. Et je les côtoie de près. Cure de probiotiques et de vitamine C, arbre à thé, défenses renforcées, attention accrue à moi-même. 

    Côté sensualité, j'avais peur de devenir blasée. Il n'en est rien. Le sexe monotone me barbait déjà avant. Et tout ce qui sort de l'ennuyeux, de par les pratiques, les affinités, ou simplement une intensité et une présence accentuée est accueilli avec délectation. Il y a encore et toujours de nouvelles sensations, d'agréables découvertes, des nuances insoupçonnées. Sans avoir besoin d'aller chercher une artificielle nouveauté.

    Je me sens incarnée.


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  • J'adore toujours mon job - depuis 7 mois maintenant. 

    Mais il y a un mois j'ai eu ma première mauvaise expérience. 

    J'avais rencontré Pipeau en octobre. Super alchimie. Ambivalence amoureuse de sa part. Il m'avait finalement planté à l'hôtel, sans me payer mon dû, sans s'excuser, mais en bloquant mon numéro. 

    Le 18 mars Violon me contacte pour un rdv. Je me retrouve à proximité d'un hôtel à 6 km de chez moi, puis finalement sous un prétexte bidon il me demande qu'on se retrouve chez moi. Sauf que c'est Pipeau qui débarque, armé d'un tournevis et réclame ma recette de la semaine sinon il me tue. Je perçois qu'il n'est pas dans un état normal - que ce soit émotionnel ou dû à des substances. Je choisis de frotter dans le sens du poil. La recette de la semaine est majoritairement à la banque. Il obtient ce qui est encore ici. Puis, que ça soit purement stratégique ou de nouveau dans l'ambivalence amoureuse, Pipeau tient à se dédouaner : il y a des méchants. 

    Violon me le fera ensuite passer pour un héros. 

    Incrédule mais attendrie par le feeling premier, je revois Pipeau. Il est tout gentil, tout miel mais me raconte des bobards. Je le vanne gentiment. En moi-même, je me dis que tant qu'il ne demande pas d'argent, je me fichais bien de ses mensonges. La demande est venue deux jours après. 

    En résumé, "je te protège des méchants, voici tout ce qui pourrait t'arriver mais je peux te protéger, je te demande rien, je ne veux pas être ton proxénète, mais j'ai besoin d'argent". Oh ben, ça ressemble vachement à proxénète quand même. 

    Police avertie, messages, menaces, directes ou relayées par Violon... puis rien. 

    C'est le métier qui rentre.


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  •  

    Ou "toi t'es pas une prostituée, t'es une amie, et ça me fait plaisir de te donner de l'argent".
    Ou encore "toi t'es pas une prostituée, tu proposes des services sexuels contre rémunération".

    "Escort", le doux mot, le politiquement correct. Moi je propose "dame de compagnie". 

    En plus, je reçois... j'escorte que dal.

     

    Ah mais non, voilà ! les putes elles sont dans les vitrines, la rue, les salons, en rang d'oignons, le client hésite, scrute, choisit. 

    Moi c'est plus noble, c'est sur rendez-vous.

    Méprisons celles-là, bouts de viande exposés, et flattons-nous. Moi je suis "escort", et les hommes qui me rendent visite sont des "amis" qui me donnent de l'argent. 

     

    Alors oui, clairement, je préfère ce que je fais au racolage en rue, aux vitrines, au rang d'oignons dans un salon. Mais appelons un chat un chat : service sexuels contre rémunération... = prostitution. 

    Et oui, mes clients sont aussi, à différentes échelles, des amis, des gens que j'apprécie. 

    Je trouve pas que ça soit un souci de proposer des services sexuels contre rémunération.

    Je trouve pas que ça soit un souci de dire prostitution.

    Je trouve pas que ça soit un souci d'être client.

    Mais je trouve que c'est un souci de faire une hiérarchie : entre une prostitution qui serait noble, acceptable, respectable et qui ne dirait pas son nom, et une autre, la vraie, méprisable.

    Forcément le mot est chargé. Il a plusieurs sens et si l'un est factuel : 

    "Fait pour un individu de l'un ou l'autre sexe, de consentir à avoir des relations sexuelles avec des partenaires différents, dans un but lucratif et d'en faire son métier; exercice de ce métier; le fait de société qu'il représente."

    ... les seconds sens craignent un peu et charge le métier du mépris de la société.

    "Fait de renoncer à sa dignité, de se déprécier; usage dégradant que l'on fait de ses qualités, de son savoir, de son art, pour des raisons d'intérêt ou par ambition, par nécessité ou par obligation."

     "Dégradation de quelque chose par usage abusif ou dévoyé."

    L'étymologie de pute ne vaut pas mieux : 

    "De l’ancien français put (« sale »), du verbe latin putere (« puer, sentir mauvais ») ou de putidus (« fétide, puant »), les deux de même racine."

    Les dictionnaires suffisent à jeter l'opprobre sur un travail, qui n'est pas banal, mais qui est... un travail. Et plus j'exerce ce métier, plus je suis convaincue de son utilité (à suivre...).

    Pour déconstruire le mépris, dé-connotons les mots. Pute, c'est un métier.


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  •  

    Génération commentaires, la puterie n'y échappe pas. 

    Les clients "dîner-presque-parfait" sont des habitués. Aller voir les putes c'est leur passe-temps. On va pas s'en plaindre. Comme des passionnés de gastronomie testent le nouveau restaurant, certains curieux ont voulu tester la nouvelle pute. 

    Puis ils évaluent, commentent, débattent.

    Haters gonna hate. Surtout si, en fait, ce que je propose - de corps et de service - ne correspond pas à leurs envies.

    L'état de ma maisonnette est bizarrement souvent évoqué. 

    Certaines parties de mon corps font débat.

    Les appréciations de ma personnalités sont variées. 

    Certains sont conscients que je lis. D'autres font comme si je n'étais pas là. Objet, produit, ou viande jetée en pâture... ? 

     

    Il y a au moins un point qui fait l'unanimité.

    Je suce bien. 


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