• Travail du sexe et estime de soi

    Les conflits intérieurs liés au choix du métier ne me concernent pas trop. Ça faisait déjà un bail que je considérais qu’il n’y avait aucune honte à faire ce job. J’avais même une certaine sympathie pour les personnages de prostituées dans les films et les pièces de théâtre. Elles incarnaient pour moi une liberté : celle de ne pas être mariée à une époque où c’était la norme, celle de se foutre de l’opinion des gens, celle de jouir de leur corps. Je suis bien consciente que cette vision est partielle, partiale voire édulcorée. Mais dans mon imaginaire la prostituée était une femme libre.

    Au moment de choisir ce métier j’ai néanmoins dû déconstruire une autre croyance : l’idée qu’une sexualité joyeuse et positive était forcément non professionnelle. (J'y reviendrai.)

    C’est dans les rencontres-mêmes que mon estime de soi s’est retrouvée mise au défi de rester stable installée dans un wagon sur des montagnes russes.

    D’un côté, il y a ceux qui me trouvent absolument merveilleuse, déesse du sexe et de l’amour, fée de la baise et du bien-être, sympa-belle-drôle-intelligente-et-un-volcan-au-lit, sensuelle, torride,  meilleure suceuse de tous les temps, reine des putes, etc. Certains me font l’honneur d’être amoureusement ambivalent, pour de bonnes ou de mauvaises raisons.

    De l’autre, il y a ceux qui trouvent un prétexte pour partir : « j’ai laissé mon argent dans la voiture », « dis, il y a un bancontact pas loin ? » (celle-ci pouvant également être utilisée pour tenter de se servir sans payer), ou même « oui c’est vrai, je te reconnais par rapport aux photos mais t’es pas comme j’imaginais ». L’un d’eux a eu la courtoisie d’ensuite s’excuser par sms de ne pas me trouver à son goût – on ne peut plaire à tout le monde et on a tou-te-s nos préférences. Il y a aussi ceux qui donnent le change puis qui sur le forum des consommateurs dissertent pour dire que je ne suis pas leur type de filles. Je suppose qu’ils sont venus par curiosité, pour voir qui est cette BBW qui suce si bien et qui suscite des commentaires contrastés, et pour ensuite ajouter leur grain de sel. 

    Vagabonder sur le forum m’indique que d’autres font ou ont fait l’objet d’avis contrastés.

    Tentant de se shooter aux compliments, risqué de désespérer… des hauts enivrants, des bas terrifiants… montagnes russes.

    Et là, dans ce wagon voltigeant, rester en moi-même, le plus stable possible, consciente de ma vulnérabilité, consciente que les hauts compensent les bas, consciente d’être au moins un peu dépendante de ces regards multiples. Ne pas oublier que je suis moi et que je ne leur donne pas le droit de me valider ou non. Me rappeler que j’ai une valeur intrinsèque.

    A part celles dont le physique correspond aux canons de beauté, j’imagine que toutes sont confrontées à des hommes qui vont les trouver belles ou moches, les élever ou les rabaisser. Celles qui sont en salon, alignées devant le client, doivent en plus faire face au fait de ne pas être choisie, cette fois-ci, la fois suivante, moins souvent que l’autre qui a des plus gros seins, ou la taille plus fine, ou les lèvres plus pulpeuses.

    J'ose à peine imaginer l'inconfort émotionnel si s'ajoute à cela une honte liée au choix de la profession...


  • Commentaires

    1
    esther
    Lundi 11 Mars 2019 à 17:46
    esther

    ouf! larmes aux yeux! oui, c'est aussi cela la puterie

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